Publié le 22/05/2020

Marine Samzun

 

Dispersée à cause du Coronavirus, une paroisse refait "corps" grâce à un pont audio.

Dans la paroisse Saint-Augustin, à Rennes, une prière audio permet aux fidèles, notamment les plus isolés, de partager chaque dimanche un temps fraternel au téléphone.

 

Dimanche, 18 h. Claude, devant son téléphone, compulse sa liste. Il compose le même numéro de téléphone depuis un mois. Au bout du fil, il rejoint André, Paule, Madeleine... et 70 autres fidèles de l'église Saint-Augustin à Rennes, un seul numéro pour les joindre tous. Avec le confinement, cette paroisse a fait le choix de ne pas retransmettre de messe en vidéo mais a opté pour un « temps de prière audio » de 45 minutes afin de rejoindre tous ses paroissiens, avec ou sans moyens numériques.

 

Prier pour créer des ponts

« Il nous manquait un lien pour "faire corps" et se retrouver ensemble, autour du Christ », déclare Vincent Mahé, diacre de 48 ans tout juste ordonné avant le confinement. Pour cet ingénieur informaticien, père de quatre enfants, l'initiative a tout de suite fait tilt : « L'équipe liturgique avait préparé un livret pour que tous les paroissiens prient ensemble, le jour du Vendredi saint. Je me suis dit que ça serait plus chaleureux de le faire de vive voix, grâce à un pont audio. » Cette technologie, accessible librement via une plateforme numérique, permet d'obtenir en quelques clics un numéro de téléphone et un code de connexion, qu'il suffit ensuite de transmettre aux participants pour se joindre au même appel. « C'est super de pouvoir prier ensemble », « ça m'a touché que l'on puisse se porter les uns les autres dans la prière », ont aussitôt témoigné les fidèles enchantés. 

 

Chants, psaumes, évangile du jour, texte de méditation et intentions spontanées : l'équipe liturgique, désormais affranchie de la préparation des messes, réinvente chaque dimanche un programme différent. « C'est parfois un peu le bazar, reconnaît avec humour Vincent Mahé, mais une intériorisation se fait petit à petit, jusqu'à ce qu'une réelle communion se tisse entre nous. » À « Saint O », comme la surnomment ses paroissiens bretons, un vent de liberté et d'audace souffle depuis sa création, en 1968. Dotée de quatre diacres, dont le premier du diocèse a été ordonné en 1982, l'église au toit plat et aux murs bétonnés a dans son « ADN » la caractéristique de « créer des ponts avec les autres Églises comme avec les personnes en situation de fragilité », souligne son tout dernier diacre. Grâce à cette initiative téléphonique basée sur une technologie très simple, l'opportunité de rejoindre les fidèles sans connexion internet a très vite émergé. Par l'intermédiaire du groupe Présence, qui oeuvre auprès des personnes isolées, une quinzaine de paroissiens sont venus grossir les rangs des appelants du dimanche soir. « On vient déposer la feuille de prière directement dans leur boîte aux lettres », signale Vincent Mahé, pour qui cet engagement prend un sens profond.

 

Une mission évangélique

« Maintenir le lien qui nous unit est une mission du diacre », affirme-t-il. L'exclusion numérique résonne fortement pour cet ingénieur informaticien qui espère recevoir une mission dans ce domaine à l'issue de sa formation au diaconat. « Faire en sorte que la haute technologie aide les plus "petits", c'est très évangélique et ça me parle beaucoup », confie-t-il. Avec la reprise espérée des messes, Vincent Mahé envisage une période de transition : « Les personnes âgées ou à risque ne reviendront sans doute pas tout de suite à l'église, avance-t-il. Il faudra créer une équipe dédiée pour prendre le relais, mais tant qu'il y aura une soif, on continuera ! »