Faire cathédrale par Véronique Margron

Temps de confinement encore. Si une part de la vie sociale se poursuit, il a été demandé aux cultes d’interrompre les célébrations habituelles. Décision confirmée par la plus haute juridiction administrative de notre pays - dont on ne peut douter de l’impartialité et de la compétence - le conseil d’État. D’aucuns en appellent pourtant à combattre cette décision au nom d’un état anticlérical, qui bientôt nous persécuterait.

 

Il est normal que nous affecte de ne pouvoir se retrouver en communautés pour se nourrir de l’eucharistie, mais il est spécialement dommageable et faux d’aller sur un tel terrain. Faut-il rappeler que la pandémie est là avec son cortège de malades, de morts, de danger pour les plus fragiles – et même pour les autres. Redire aussi que ces mesures n’ont rien de franco-françaises et que des pays bien plus « catholiques » que nous les ont appliquées avec plus de rigueur, imposant de fermer les églises, ce qui ne fut jamais le cas en France.

 

Au-delà des sensibilités différentes légitimes, pouvons-nous simplement élargir, approfondir notre regard de foi.

N’est-ce pas l’heure de reprendre la métaphore du pape François sur l’Église, « hôpital de campagne » ? Et l’hôpital, nous en savons chacun quelque chose, l’hôpital est fait pour tous.

 

L’Église n’est donc pas faite pour les seuls catholiques, mais bien pour tous, pour le soin de tous, la solidarité avec tous. N’est-ce pas le temps favorable de confesser avec l’apôtre Thomas « Mon Seigneur et mon Dieu ! » quand nous rencontrons l’homme blessé, brisé, souffrant, isolé, inquiet. Thomas reconnaît Jésus à ses blessures. Notre Dieu n’est pas sans blessures, pas plus que notre foi, notre monde ô combien. En ces mois de tant de drames, en ces semaines de confinement, nous n’avons douloureusement que l’embarras du choix, tous, pour rencontrer le Christ blessé dans tant de nos concitoyens, à nos portes souvent.

 

Permettez-moi de vous proposer ces lignes d’une interview de Mgr Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques[1].

« Lorsque le temple de Jérusalem où Jésus a prié a été détruit, les [croyants ] se sont rassemblés autour de la table familiale et ont offert des sacrifices par leurs lèvres et par des prières de louange. Lorsqu'ils ne pouvaient plus suivre la tradition, ils ont repris la loi et les prophètes et les ont réinterprétés d'une nouvelle manière. C'est aussi le défi pour aujourd'hui. N’est-ce pas le moment opportun pour remettre l’Évangile – dont nul n’est privé – au cœur de nos existences ? Concernant le service, voici une réflexion : ces médecins et infirmières qui ont risqué leur vie pour rester proches des malades n’ont-ils pas transformé les salles d’hôpital en « cathédrales » ?

 

Faire de nos familles, de nos maisonnées, par la foi partagée, vécue, méditée, des cathédrales, voilà de quoi voir plus loin, aller plus loin.

 

Véronique Margron op.