L’ESPÉRANCE

Texte écrit par une religieuse italienne de Milan au cœur de la tourmente

 

L’Espérance en Italie ces jours-ci, c’est le soleil qui brille obstinément sur les rues désertes, et s’introduit en riant dans les maisonnées.

L’Espérance ce sont ces post-it anonymes par centaines sur les devantures fermées, pour encourager les petits commerçants.

L’Espérance c’est le printemps qui oublie de porter le deuil et la peur, faisant verdir les arbres et chanter les oiseaux.

L’Espérance ce sont ces professeurs qui en quelques jours réinventent l’école, et affrontent cours à préparer, leçons online et corrections à distance.

L’Espérance aussi, tous ces jeunes, qui après l’euphorie de « vacances » inespérées, retrouvent le sens de la responsabilité, sans perdre créativité et sens de l’humour.

L’Espérance, tous ces parents qui redoublent d’ingéniosité pour inventer de nouveaux jeux en famille, et ces moments « sans mobile ».

L’Espérance, après une explosion d’instincts primaires, ce sont aussi les étudiants qui ont gardé calme, responsabilité et civisme… et ont eu le courage de rester à Milan, loin des leurs.

L’Espérance c’est ce policier qui, contrôlant une infirmière qui enchaîne les tours et retourne au front, s’incline devant elle, ému : « Mon plus grand respect ».

Et l’Espérance bien sûr, ce sont ces médecins et le personnel sanitaire, qui s’épuisent dans les hôpitaux débordés, et continuent le combat.

Mais l’Espérance c’est aussi une vie qui commence dans la tourmente : ma petite sœur qui met au monde un petit Noé à deux pays d’ici.

Et l’Espérance, ce sont ces pays riches, cyniques face à l’euthanasie des plus « précaires de la santé », ces pays qui tout d’un coup défendent la vie, les plus fragiles, les « encombrants » … Et voilà notre économie à genoux à leur chevet.

Et en ce Carême particulier, un plan de route nouveau : traverser le désert, prier et redécouvrir la faim eucharistique. Vivre ce que vivent des milliers de chrétiens de par le monde. Retrouver l’émerveillement. Sortir de nos routines…

Et dans ce brouillard total, naviguer à vue, réapprendre la confiance, la vraie. S’abandonner à la Providence.

Apprendre à s’arrêter aussi : il fallait un minuscule virus, invisible, dérisoire, pour freiner notre course folle.

Et au bout, l’Espérance de Pâques, victoire de la vie à la fin de ce long carême, explosion d’étreintes retrouvées, de gestes d’affection et d’une communion longtemps espérée.

Et l’on pourra dire avec saint François « Loué sois-Tu, ô Seigneur, pour frère Coronavirus, qui nous a réappris l’humilité, la valeur de la vie et la communion ! ».

 

Courage, n’ayez pas peur : Moi, j’ai vaincu le monde ! (Jn 16, 33)