Méditation de la tempête apaisée par le Père Christophe Peschet

L’Evangéliaire d’Egbert date du Xème siècle. Il contient 51 enluminures dont celle de la Tempête apaisée.

 

Contemplons cette enluminure.

 

Visiblement, deux moments distincts sont décrits. Le Christ est représenté deux fois. Il est reconnaissable à son auréole. Pour confirmer l’identité de Jésus, l’auteur de l’enluminure a placé de part et d’autre de l’auréole les lettres grecques qui désignent traditionnellement le Christ.

 

Jésus est endormi, à l’arrière de la barque, sur un coussin. Son visage respire la tranquillité, la paix intérieure. Il est en pleine harmonie avec Dieu le Père. Comme le dit le psaume, Dieu comble son bien-aimé quand il dort.

 

Jésus est en paix. Mais autour de lui, ce n’est pas le cas. La tempête fait rage, les vagues malmènent la barque. A l’époque de Jésus, la mer était synonyme de danger, de mal, de mort. La barque est donc assaillie par le mal. Ce mal est incarné, ici, par ces deux démons, en haut à droite. Dans le ciel, leur souffle a provoqué le vent violent ; celui-ci a soulevé les eaux, levé la tempête.

 

La barque représente traditionnellement l’Eglise. Depuis les premières persécutions jusqu’à aujourd’hui, l’Eglise a été confrontée à de nombreuses tempêtes. Ici, curieusement, la barque ressemble à un drakkar viking. Au Xème siècle, c’était le fléau qui frappait l’occident, ne laissant que dévastations, cendres et morts. Cette représentation d’un drakkar semble faite pour exorciser le mal. Il faut nommer le mal pour échapper à son emprise. 

 

Les disciples ont peur. La barque a échappé à leur contrôle. Ils ne maîtrisent pas le mal qui les assaille. Jésus semble absent, indifférent à leur malheur. Dieu a-t-il abandonné les hommes ? Est-il sourd à nos appels ? Le silence de Dieu nous est parfois insupportable. Pierre réveille Jésus : « Seigneur, prends pitié ! » « Kyrie eleison » comme il est dit dans l’Evangile de Matthieu. La supplication de Pierre pourrait se résumer en cette simple phrase, répétée inlassablement dans la prière du Notre Père : « Délivre-nous du mal. »

 

Le Christ passe de l’arrière du bateau à l’avant. Il se place entre le mal et les disciples. Il les protège. Pierre est représenté une deuxième fois. Il s’est tourné. Il a suivi le Christ. Il vit une conversion. Il a changé. Il n’est plus dans la peur. Il est derrière Jésus, comme si lui aussi participait à la lutte. Pour vaincre le mal, il faut un changement intérieur et prendre part au combat. Le Christ n’agit pas sans nous mais avec nous.

Le changement de Pierre est signifié par le changement de vêtement. Celui-ci a maintenant la couleur de la barque. Pierre épouse l’avenir de cette barque, l’avenir de l’Eglise dont il prendra la barre.

 

Le disciple au milieu, représente l’ensemble des disciples, ceux des origines, ceux d’aujourd’hui. Il est à notre image. Il ne s’est pas encore tourné. Va-t-il le faire ? Va-t-il rester prisonnier de la peur ? Ou bien va-t-il choisir la confiance en Dieu, sa foi en lui ? Croit-il que Jésus est plus fort que le mal, plus fort que la mort ? La réponse n’appartient qu’à lui, n’appartient qu’à nous.

 

Jésus étend la main dans un geste de bénédiction.

Il ne maudit pas. Il bénit. Littéralement, Jésus dit du bien.

Souvenons-nous. Il disait :

« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. »

Jésus ne combat pas le mal par le mal.

Sa réponse est une réponse d’amour. 

 

Ce qui est fait trouve son aboutissement dans ce qui est parfait.

De même le don trouve sa perfection dans le pardon.