Le mot "déconfiner" a été forgé par les gens : Mariette Darrigrand

Absent du dictionnaire, le mot «déconfinement» s’est imposé dans le langage courant durant l’épidémie de Covid-19. Selon la sémiologue Mariette Darrigrand, ce terme a été inventé par les citoyens confinés pour imaginer et rêver le monde d’après.

 

Ce lundi 11 mai, les Français sont entrés dans une nouvelle phase de la crise sanitaire due au nouveau coronavirus : le « déconfinement ». Inexistant il y a quelques mois encore, ce terme est désormais dans toutes les bouches. « Je pense que ce mot a été forgé par les gens, analyse la sémiologue Mariette Darrigrand (1). Lorsque nous avons été confinés, nous avons tout de suite rêvé au contraire du confinement », c’est-à-dire au déconfinement.

 

Mariette Darrigrand se définit comme une « sociologue du langage ». Spécialiste des discours politico-médiatiques, elle remonte le fil de l’histoire de notre vocabulaire contemporain. Le mot « confinement » est très ancien, nous indique-t-elle. Il puise son origine dans le langage administratif et exprime un acte de coercition. « Confiner, ça a d’abord été mettre des fins, au sens de fixer des limites, entre les champs, les personnes et les pays ».

 

À l’inverse, « déconfinement » est un terme récent, apparu dans le langage populaire durant l’épidémie de Covid-19. Il est d’emblée associé à une forme d’émancipation.« C’est d’ailleurs important de voir que ce mot n’a pas tout de suite été un substantif. Ça a d’abord été un verbe d’action, ‘se déconfiner’. Cela exprime la volonté de reprendre la main sur la situation », remarque Mariette Darrigrand.

 

Le substantif est davantage utilisé par les autorités et dans les médias pour décrire une nouvelle phase de la crise sanitaire. « Ce terme a désormais plusieurs niveaux de sens. Dans les médias, c’est un thème, presque une rubrique. Comme il y a eu le confinement, il y a désormais le déconfinement », indique l’analyste des mots.

 

La sémiologue anticipe enfin qu’il y aura plusieurs façons de ‘se déconfiner’« le mot n’aura pas la même signification pour tout le monde. Certaines personnes vont rester dans un cadre, tandis que d’autres vont être plus subversives. »

 

(1) Mariette Darrigrand est sémiologue et dirige le cabinet Des Faits et Signes, spécialisé dans l’analyse du discours médiatique. Pour « La Croix », elle revient sur le terme, nouveau, de "déconfinement".