Saint Jean Baptiste au désert

Le Greco 1541-1614

Huile sur toile, 103 cm X 62 cm, Musée des Beaux Arts de Valence

 

 

 

Les 2ème et 3ème dimanches de l’Avent mettent en lumière la figure de Saint Jean Baptiste. Arrêtons nous sur le dernier des prophètes.

 

 

Jean Baptiste, étrange silhouette étirée , à moitié nue, partagée entre ciel et terre est la figure même de l’ascète. Le corps est présenté de face, sa tête de trois quart est déjà ailleurs .

 

Jean est un Nazir, personne consacrée à Dieu comme l’ange l’avait annoncé à Zacharie son père (Luc 1-15). Il en a les attributs : cheveux longs négligés, barbe hirsute non entretenue. Il affiche résolument son choix radical pour Dieu, détaché du monde et de ses conventions

On est frappé par sa maigreur et la force anguleuse de sa musculature. Il porte un vêtement de poil de chameau comme le portait avant lui le prophète Elie. Jean est un prophète et il peut emprunter les paroles d’Isaïe  « Préparer les chemins du Seigneur, rendez droit ses sentiers »

Son regard mélancolique, perdu dans le lointain est ailleurs. Il n’appartient plus à ce monde.

Ce portrait impressionne par la charge émotionnelle qu’il suscite. Jean est physiquement habité par sa mission. Le monde est en attente .

 

En effet derrière lui un ciel d’orage, inquiétant qui annonce un évènement à venir : Tempête, pluie ? Nous savons qu’il s’agit du Messie attendu qui bouleversera bien des choses et inaugurera une ère inédite dans histoire de l’humanité .

Jean de ses doigts anguleux, pouce et majeur collés, en un ancien geste de bénédiction annonce la venue du Christ en désignant la Croix de bambou bien fragile, liée par un frêle brin d’herbe. Cette croix hastée, portée au bout d’une lance symbolique sera, dans toute sa fragilité « l’arme » des chrétiens qui est encore aujourd’hui leur alliée.

 

A ses pieds, un moment de douceur : un agneau dans toute sa fragilité, endormi, tout en rondeur . Il porte entre ses pattes un petit étendard : «Agnus Deï ». Il s’agit donc bien du Christ . Jésus nous montrera le vrai visage de Dieu. Il ne sera pas un ascète . Il partagera la vie des hommes dans leur quotidien . Il aimera tellement les rencontres, les repas partagés, qu’on ira même jusqu’à le traiter d’ivrogne et un glouton !! ( Luc 7, 33-34). Rien à voir avec l’ascétisme du Baptiste. Jésus est le Dieu des vivants . Il n’aura de cesse de donner sa vie en plénitude aux hommes et les mettre debout. 

 

Et Pour Nous ?

Les évènements que nous vivons, avec la crise sanitaire, les problèmes économiques et sociétaux rejoignent le ciel menaçant du tableau et peuvent générer une inquiétude légitime. Demain ne sera plus comme avant. Mais est ce qu’il n’en a pas toujours été ainsi ? Qui sait si cette crise ne permettra pas faire advenir un monde plus juste ?

 

Et si nous nous interrogions à l’image du Baptiste sur nos choix pour vaincre les apparences, pour initier de nouveaux chemins de consommation, de relations fraternelles ?

 

Nous savons que Dieu n’abandonne jamais son peuple . Le Christ ne laisse pas l’humanité aller à vau- l’eau. Il ne cesse de venir dans nos vies ordinaires sous des aspects imprévus, comme il a surpris en arrivant chez les hommes sous l’aspect d’un petit enfant. Veillons et ouvrons l’œil !

 

Joële Vermot-Gaud 6 Déc 2020