Toussaint et fête des défunts : Que fête-t-on vraiment ?

Le 1er novembre, les catholiques fêtent la Toussaint et le lendemain, ils célèbrent la fête des défunts. Pour le dominicain Yves Combeau, les deux fêtes sont un hymne à la vie éternelle.

 

Feuilles mortes et vent de travers : c'est la Toussaint. Dans le cimetière, immortelles et chrysanthèmes constellent de couleurs un paysage gris et brun. Pendant la messe, le prêtre a parlé de sainteté. Mais pourquoi la fête de tous les saints et le souvenir des morts se télescopent-ils ainsi ?

 

Deux fêtes jumelles

La Toussaint, officiellement solennité de tous les saints, et la fête des Morts, officiellement commémoration de tous les fidèles défunts, sont presque jumelles. Quoique l'idée de dédier une fête à l'ensemble des martyrs, connus ou anonymes, remonte à Rome au Ve siècle, la fête de tous les saints fixée au 1er novembre date du VIIIe siècle et du pape Grégoire III. Or, dès le siècle suivant, la Toussaint est suivie d'une commémoration des morts et, en 998, les moines de Cluny instituent formellement une « fête des Trépassés » le 2 novembre, fête qui sera étendue à toute l'Église au XIIIe siècle. Le détail de cette évolution historique et les racines qu'on lui attribue - une influence de l'ancienne religion romaine, une tradition irlandaise à l'époque où les moines de ce pays étaient actifs dans tout l'Occident chrétien, peut-être aussi un apport germanique - sont affaire de spécialistes, mais l'essentiel est dans cette évidence : au début de novembre, quand l'automne annonce l'hiver et que la nature se replie dans une mort apparente, dans le grand silence que ne perturbe que le cri des corbeaux, on fait mémoire à la fois des saints et de tous les morts, de tous nos morts, ceux de nos familles.

 

Le destin commun des chrétiens

En réalité, si ces deux fêtes sont liées par leur date, c'est parce qu'elles le sont par leur signification. Un chrétien mort a rejoint le Seigneur ; il est destiné à ressusciter et à rejoindre les saints. La sainteté est notre vocation commune de chrétiens. Certains d'entre nous précèdent les autres de façon si évidente que leur vie est déjà revêtue de l'éclat de la sainteté, et ceux-là qui seront canonisés ou béatifiés, s'il existe des témoins (il n'y en a pas toujours). D'autres ont un chemin plus lent, plus discret ou plus hésitant, mais de toute façon nous sommes tous des saints en puissance. C'est pourquoi l'amalgame fréquent entre la Toussaint et la fête des Morts n'est pas un contresens. Les deux fêtes célèbrent, au terme de l'année liturgique, l'accomplissement de la promesse du Seigneur. Ou, comme le dit saint Paul : « Nous tous qui avons été unis au Christ Jésus par le baptême, c'est à sa mort que nous avons été unis (...). Si donc (...) nous avons été mis au tombeau avec lui, c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d'entre les morts » (Romains 6, 3-4). La différence est une nuance de perspective : la Toussaint célèbre une sainteté accomplie ; la fête des Morts, une sainteté en espérance, pour nos proches et pour nous-mêmes, nous dont le nom de famille est déjà gravé sur la pierre tombale. Et les chrysanthèmes célèbrent la vie, la vie éternelle promise à tous les enfants de Dieu.