Publié le 07/05/2020

Pascal Paillardet

 

Le "monde d'après", c'était mieux avant !

 

Chaque semaine, Pascal Paillardet se penche sur un mot ou une expression dans l'air du temps et livre, en dilettante, le fruit de ses observations.

 

À quoi ressemblera la France de demain dans le « monde d'après » ? Redeviendra-t-elle ce beau pays d'avant dans le monde d'alors ? Ou tout l'inverse ? Souvent ces questions nous tarabustent alors que nous mâchouillons des nougats au balcon, le soir, en songeant avec gravité aux lendemains incertains qui nous attendent. Il est urgent, en ces jours d'incertitude, de se questionner sur aujourd'hui pour « être d'accord avec le soi-même de demain », ainsi que l'écrivait - nous citons de mémoire - François Mitterrand dans son livre Ici et maintenant (et même après). 

Écrivains, artistes, intellectuels ne cessent de nous dessiner les frontières de ce « monde d'après ». Il faut bien l'avouer : « c'est pas jojo » ! (une expression usitée qui daterait, selon les estimations au carbone 14, de la France de jadis). « Ma crainte, c'est que le monde d'après ressemble au monde d'avant, mais en pire », a déclaré Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères dans Le Monde - non pas dans l'édition du Monde d'après-demain, mais dans un entretien du 20 avril dernier. Une réflexion que l'on peut résumer en quelques mots : c'était peut-être mieux avant, mais en moins bien. 

 

Si la France d'aujourd'hui n'est déjà plus celle d'hier, elle n'est pas encore tout à fait celle de demain. C'est une France de tantôt, en plein devenir, imparfaite, qui navigue entre deux eaux.

 

Et la France dans tout cela ? Où se situera-t-elle exactement dans le monde d'après ? Les experts subodorent, mais guère plus. Sa position est délicate à établir. Si la France d'aujourd'hui n'est déjà plus celle d'hier, elle n'est pas encore tout à fait celle de demain. C'est une France de tantôt, en plein devenir, imparfaite, qui navigue entre deux eaux. Pour rejoindre le futur, elle devra aller de l'avant. Mais dans un seul sens, a précisé avec perspicacité Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics : « Je trouve que les retours en arrière font aller de l'avant », a-t-il affirmé sur France Inter, le 21 avril, comme subitement traversé par une révélation. 

 

Certains d'entre nous, dépourvus de son discernement, n'obéissant qu'aux repères de la nostalgie, seront tentés d'avancer en arrière vers le monde d'après. Ils arriveront dans l'avenir en retard. S'ils y parviennent. Tant il est vrai qu'à vouloir avancer en marche arrière, on risque de tomber dans le ravin. Et d'atterrir dans le monde de l'au-delà plutôt que dans le monde d'après. Il est encore temps de réfléchir. Nous ne sommes finalement qu'à la veille du jour d'avant le monde d'après !