Merci à tous ceux qui prennent soin de nos aînés en Ehpad par le Père Philippe Pottier

Les Tilleuls, connaissez-vous ?  C’est le nom d’une maison de retraite à Chanu où vivent quelques 80 résidents et toute une équipe qui, 365 jours sur 365 jours, veillent sur eux. Ce n’est pas rien !  

C’est en signe de reconnaissance pour tous ceux qui veillent sur nos anciens dans les Ehpad en tout lieu de notre département, de notre pays que j’offre cet édito bien modeste comme un grand merci !

En novembre prochain, cela fera 10 ans que notre maman s’y trouve, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ce lieu m’est devenu familier, chaque dimanche soir ou presque. Les couloirs n’ont plus de secrets, le code de sortie non plus. 

 

Depuis le début du confinement, et même un peu avant, je n’y suis pas revenu ! Ce lundi après-midi, c’est fou comme la route de Flers- Chanu prend une saveur unique. Je la redécouvre même. Emerveillement et louange pour cette nature en folie sous ce soleil lumineux. Création en fête pour le cœur de l’homme en besoin de réconforts en ces heures difficiles.

 

A la porte d’entrée de l’Ehpad des Tilleuls, à Chanu, je suis accueilli avec une belle attention prévenante ; invité à procéder aux gestes essentiels qui garantiront la protection des résidents et personnels.  Je ne traverserai pas la maison. Je ne rencontrerai pas ces visages devenus familiers, heureux de saluer les visiteurs. Confinement oblige mais il est important qu’il en soit ainsi.

Ce sont derrière les vitres que je vivrai « la rencontre » et quelle rencontre ! Je ne pourrai pas l’embrasser, lui chuchoter quelques mots de tendresse, toucher respectueusement pour apaiser ... Depuis 10 ans d’ailleurs, par étape et avec des combats et faux pas, j’ai peu à peu compris que l’essentiel était cette présence ; « présence pure » comme le dit si bien Christian Bobin dans un magnifique opuscule témoignage de vie.

Mais très vite, tous les manques évoqués volent en éclat ! C’est à une rencontre lumineuse que je suis invité. L’essentiel, il se passe de l’autre côté de la vitre. La lumière, elle vient de cette chambre devenue si familière. Lumière de ce visage défiguré par la maladie mais visage du Christ, sainte face du Christ.  « L’essentiel est invisible aux yeux. On ne voit bien qu’avec le cœur » comme  dit si bien Le Petit Prince. 

 

J’aime ce commentaire de Christian Bobin de la rencontre de St Thomas et de Jésus Ressuscité : « Si St Thomas met ses doigts sur les plaies du Christ ressuscité, c’est moins pour mettre fin à ses doutes que parce qu’il y a des instants où la vie est allée si loin dans la perte et où sa présence est si brûlante qu’il ne reste plus qu’à se taire – toucher du bout des doigts le corps miraculé de l’autre ». La perte est allée si loin qu’il ne reste plus qu’à être là, être une présence, comme c’est si vrai et essentiel ! C’est bien l’enjeu de la mission des Ehpad.

La lumière, elle vient de la présence unique, douce et pacifiante de cette aide-soignante qui dans la chambre, de l’autre côté de la vitre, est là avec maman. Une toute présence lumineuse qui sera ma voix, mes paroles sans savoir ce qu’elles produisent car ainsi en est-il avec la maladie. Mais qu’importe ! 
« La vérité est moins dans la parole que dans les yeux ... et le silence. La vérité, ce sont des yeux et des mains qui brûlent en silence » écrit encore Christian Bobin. 

Cet après-midi, ces mains qui réconfortent, pacifient, mains de la tendresse si essentielle pour communiquer avec celui qui souffre en silence, sont celles de cette présence ce visage familier, une aide-soignante, disponible pour permettre la rencontre, même derrière une vitre ! Et quelle rencontre ! 

 

Depuis l’entrée en confinement, elles sont ces belles présences qui permettent à nos ainés en Ehpad de ne pas sombrer. Elles luttent avec eux.  Elles sont l’unique présence auprès d’eux. Du matin au soir, de la nuit au matin, elles offrent les soins, la sécurité, les paroles de réconfort, la vie qui entre dans les chambres confinées. J’ai envie de leur crier un grand merci de reconnaissance alors qu’elles ont été si malmenées cette dernière décennie. Puisse notre pays de ne pas oublier demain quand nous serons sortis de ce combat avec le virus ! Les plus fragiles doivent être au cœur des choix d’une société solidaire et fraternelle. 

N’est-ce pas ce que nous apprend cette crise ? Et là, amis, nous sommes de pleins pieds avec l’évangile. D’ailleurs le visage de la sainteté dans l’ordinaire, il est là dans toutes ces présences aimantes avec nos ainés ! Cela, je le crois ! L’enseignement de Jésus en Mt 25, « ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits qui sont les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » n’a rien perdu de sa vérité et de son urgence.

 

Billet de Pâques, 30 Avril 2020, RCF Père Philippe Pottier